J’attends le metro, dans cette grotte sombre terrée sous la ville qu’est la station de métro, et j’observe cette affiche de film 4×3 qui m’intrigue. The Lost City of Z (James Gray, 2017). D’abord ce personnage anecdotique, sorte de mini Indiana Jones perdu dans la pénombre et l’immensité du décor rocheux qui l’écrase. Je vois bien qu’il me regarde. Mais qu’est-ce qu’il veut bien me dire ? Et puis en arrière plan, tout autour, il y a ce décor caverneux entouré de feuillage… Alors oui, vous pouvez dire si vous voulez que j’ai l’esprit mal placé. Vous pouvez aussi vous dire qu’à force d’analyser les images je vois des sous-textes et des métaphores partout (à une époque mes étudiants s’amusaient gentiment de moi parce que je voyais des symboles phalliques dans toutes les publicités). Bref, toujours est-il qu’en regardant cette image j’ai songé à une entrée de vagin géant… Et pourquoi pas ? Ne me dites pas que les professionnels de la communication et de la promotion qui ont réalisé cette affiche ne sont pas, comme moi, aguerris à la sémiologie bathésienne. Donc je me dis qu’ils ont peut-être fait exprès. Mais alors, pourquoi ?
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« The Lost City of Z » ou l’angoisse du vagin
Analyses d’images : publicités, photos, affiches, pochettes…
Vient de paraître : Analyses d’images : publicités, photos, affiches, pochettes… (20 commentaires composés illustrés) de Régis Dubois (TheBookEdition, 2015, 136 pages, 9 euros)
L’image est omniprésente dans notre société, c’est une évidence. Tous les jours ce sont des dizaines, voire des centaines de messages visuels que nous recevons. Dans la rue, à la maison, sur les écrans, partout, via les affiches publicitaires, les magazines, les T-shirts, les flyers, les BD, le cinéma, la télé, Internet, les jeux-vidéo, les Smartphones… Or, étonnamment, les analyses d’images demeurent relativement rares aussi bien sur le Net que sur papier. D’où ce recueil proposant un ensemble pédagogique de vingt études portant sur un échantillon d’images emblématiques de diverses époques et de tous types : photographie (d’art ou de presse), affiche de propagande, publicité, pochette de disque, affiche de film, photogramme, tableau, carte postale, street art… Au total, 20 commentaires composés richement illustrés de 60 visuels offrant une petite histoire des représentations depuis la fin du 19ème siècle jusqu’au début du 21ème.
Presse & islamophobie : qu’en est-il ?
Le 8 janvier 2015, le lendemain de l’attentat terroriste contre Charlie Hebdo, Valeurs Actuelles titrait « Peur sur la France » en référence au roman de Houellebecq Soumission avec en Une une photo en gros plan d’une femme portant un niqab bleu, blanc, rouge). Le numéro avait été bouclé la veille des assassinats (1).
Le message, bien qu’un peu brouillé (un niqab bleu, blanc rouge ?), est pourtant clair dans ses grandes lignes : l’islam constituerait une menace pour la France (2).
Le problème c’est que cette Une qui fait le lien entre islam, niqab et peur est loin d’être isolée. En recherchant sur Internet des couvertures de magazines consacrées à « l’islam » et/ou aux « musulmans » j’ai pu en trouver 35 parues au cours des quinze dernières années. Constat : plus de la moitié d’entre elles donne une image négative de l’islam et des musulmans (voir liste annexe) – étant bien entendu que je ne parle même pas ici des Unes évoquant « l’islamisme » ou le « djihad ».
Analyser une affiche : « We can Do It ! » (1943)
We Can Do It! (1943) de J. Howard Miller (USA – 43 x 56 cm – couleurs) [domaine public]
Cette affiche a acquis au fil des ans un véritable statut d’icône de la pop-culture. Elle ne fut pourtant diffusée que très brièvement en 1943, essentiellement sur les murs des usines d’armement où travaillaient de nombreuses femmes durant la Seconde Guerre mondiale pendant que les hommes se battaient sur le front. Elle ne fut en fait redécouverte que tardivement, dans les années 80, et très largement reproduite depuis sous diverses formes. C’est toujours un bon point de départ pour analyser une image que de partir du pouvoir de fascination qu’elle exerce. Qu’est-ce qui fait en effet que cette affiche interpelle et séduit autant aujourd’hui ?
Analyser une image : « The Kiss » de Thomas Edison (1896)
The Kiss de Thomas Edison (USA – 1896 – 47 sec. – N&B) [domaine public]
Cette image n’est pas à proprement parler une photographie mais plutôt un photogramme, autrement dit l’une des dix-huit images par seconde d’un film muet. Le film en question s’intitule The Kiss, dure 47 secondes et a été tourné en un seul plan par William Heise pour le compte de l’inventeur du cinéma aux Etats-Unis, Thomas Edison, en 1896. A première vue, cette image n’a rien d’extraordinaire, et pourtant comme nous allons le voir, il s’agit-là d’une photo aux implications inattendues.
Analyser une photo : « The Kid » (1921)
Photo de plateau de The Kid (1921) de Charlie Chaplin [domaine public]
Cette photo publicitaire anonyme représentant Charlot (Charlie Chaplin) et le Kid (Jackie Coogan) est l’une des plus célèbres associées à l’œuvre du cinéaste. Sans doute parce qu’elle évoque l’un des meilleurs films de l’auteur – son premier long intitulé The Kid sorti en 1921 – mais aussi, assurément, parce qu’elle nous émeut, en dehors de toute référence au film, par sa puissance visuelle universelle évoquant tout à la fois la pauvreté, l’enfance et la paternité.
Analyse d’un tableau : “L’Origine du monde” de Gustave Courbet (1866)
L’Origine du monde (1866) de Gustave Courbet (France – couleurs – huile sur toile – 46 x 55 cm) [domaine public]
L’analyse que vous allez lire, portant sur le célèbre tableau L’Origine du monde (1866) de Gustave Courbet, a été publiée à deux reprises sur mon précédent blog. A chaque fois l’article ou la photo du tableau ont été censurés par l’hébergeur (blogvie pour ne pas le citer). J’en tire trois conclusions. Premièrement qu’Internet n’est pas un média aussi libre qu’on le dit. Ensuite que Courbet – qui appartient au mouvement réaliste – a si bien réussi son coup que les censeurs du XXIe siècle ont pris ce tableau pour une photo pornographique. Enfin je constate, comme je le disais déjà dans l’analyse, que près d’un siècle et demi après sa réalisation, ce tableau dérange encore. Moralement, esthétiquement et politiquement. D’ailleurs comme le rappelle Fabrice Masanès dans son livre sur le peintre (Courbet, Taschen, 2006) : « L’Origine qui présente un “tronc”, les jambes écartées, est la réponse la plus sincère, lorsque les conventions du nu artistique revêtent tout d’un voile pudique ou suggestif. (…) Cette sincérité ne pouvait être vue sans occasionner la gêne. C’est la raison pour laquelle le tableau demeura jusqu’à son entrée au musée d’Orsay [en 1995] très peu visible, dissimulé aux regards des curieux par ses différents propriétaires ». Car oui, ce tableau est révolutionnaire (esthétiquement et politiquement) tout comme son auteur qui fut, je le rappelle, l’un des leaders de la Commune de Paris et qui le paya cher (emprisonné, ruiné, exilé).
Analyse d’une photographie : “Derrière la gare Saint-Lazare” de Henri Cartier-Bresson (1932)
Analyse d’une pochette de disque : « Nevermind » de Nirvana (1991)
Un bébé nu dans une piscine nageant vers un billet de un dollar accroché à un hameçon. La pochette est aussi célèbre que l’album qu’elle illustre, Nevermind, révélation rock et plus gros succès de l’année 1991 qui dévoila au monde un nouveau son, le « grunge », un groupe, Nirvana, et son compositeur génial Kurt Cobain. L’histoire ressemble à un conte de fée, mais tourne vite à la tragédie. Le chanteur ne supporte pas la pression et, en 1994 en pleine gloire, se donne la mort à tout juste 27 ans. A l’origine du drame un sérieux malentendu. Cobain se considérait comme un punk et un authentique rebelle. Or, à l’occasion de son deuxième album, le trio eut le malheur de se compromettre avec une major compagny pour signer un album au son trop pop et trop propre, Nevermind. Le succès fut aussi soudain qu’inattendu et aussitôt renié. Mais le mal était fait. Aujourd’hui reste un album incontournable et une pochette culte (imaginée par Kurt Cobain) qui, avec le temps, fait figure de sombre présage.